11 juin 2006
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Dans le prolongement du billet d'hier (mine de rien, cette histoire de "petit poème à la con" m'a fait réagir et réfléchir), je vais enfin répondre à la question que m'a posée un jour Christine: pourquoi j'écris des haïkus et que cela peut-il bien m'apporter?
Comme beaucoup d'ados, je me suis cru poète aux premiers coups de coeur. Il faut dire que, grand romantique, j'avais tendance à tomber amoureux régulièrement de la fille qu'il ne fallait pas, d'où grands élans lamartiniens et, très vite, baudelairiens ou nervaliens.
J'ai reçu le don d'une plume relativement facile, la page blanche ne m'a jamais fait peur. Cela n'est pas forcément un atout pour la poésie. Au fur et à mesure de mes essais, qui se sont prolongés assez longtemps, j'ai rapidement ressenti une frustration que j'ai mis un moment à cerner. En réalité, j'avais bel et bien des "éclairs de poésie" dans ce que j'écrivais, mais je sentais bien qu'il étaient extrêmement brefs. Entre ces moments vrais, je me sentais obligé de composer péniblement une sauce assez indigeste et pour tout dire prosaïque. Le poème achevé retombait donc comme un soufflé refroidi. J'ai essayé diverses formes d'écriture: vers libres, octosyllabes rimées (j'avais même un dictionnaire de rimes) sans évidemment résoudre par un changement de forme ce qui était à l'évidence un problème de fond.
Ainsi, il y a vingt ans, j'écrivais spontanément:
J'ai tenté de bâtir autour de cet élan, lié à mon vécu et donc authentique, un poème beaucoup plus long ... qui est à jeter (ne comptez pas sur moi pour le reproduire ici). Je me croyais obligé d'en rajouter et bien sûr, ce que j'ajoutais à cet éclair poétique n'était que de la prose, une invention laborieuse qui jurait abominablement avec le reste. J'étais prisonnier du modèle poétique occidental, qui veut absolument "dire quelque chose", "transmettre un message" et est bâti en quatrains, tercets, sonnets d'une longueur minimum.
Frustré par le résultat, j'ai balancé mon dictionnaire de rimes et me suis résigné: la poésie n'était pas pour moi.
Jugez donc de mon soulagement lorsque j'ai découvert (ou plutôt re-découvert) le haïku dans l'excellent livre Les plus beaux contes zen, suivis de l'art des haïkus, de Henri Brunel!
Enfin, une poésie qui ne se sentait pas obligée de démontrer quoique ce soit, n'y d'en rajouter, de "tirer à la ligne" pour rallonger artificiellement (et donc détruire!) l'authenticité de l'élan poétique initial. Une démystification salutaire.
La concision du haïku m'émerveilla immédiatement, et je fis d'emblée mes premiers essais. Je me sentais revivre (poétiquement s'entend!) Un sentiment de libération.
La suite, vous l'avez sous les yeux avec Manteau d'étoiles. Ecrire des haïkus me procure une sensation de plénitude. Je vis plus pleinement l'instant présent, chacun d'eux étant observé d'un oeil plus ouvert, plus attentif à la beauté ou à l'humour susceptible de s'en dégager. En un mot, je vis plus qu'avant, je sur-vis.
A cet égard, il n'est pas étonnant que les enfants excellent dans le haïku. C'est aussi l'une des raisons du mépris dans lequel certains tiennent cette forme poétique. Pensez: un gosse en fait autant!
Précisément: le haïku demande que l'on garde un peu son âme d'enfant. L'absence de jugement devant ce que l'on voit, l'absence de désir de paraître ou d'en faire trop. L'innocence et l'authenticité. Les haïkus d'enfants ne trichent pas: ils transmettent la vérité de l'instant. Et c'est pourquoi ils sont étonnants de fraîcheur et font mouche à tous les coups.
Lorsque mon fils joue, il est tout entier dans son jeu. En réalité, il ne joue pas au sens légèrement méprisant où l'entendent généralement les adultes. Il s'approprie le monde, son monde, et le crée ou le recrée à chaque instant, et c'est très sérieux pour lui. Et "créer" se dit en grec poein, racine de poème, poésie, poète. Tiens?
Comme beaucoup d'ados, je me suis cru poète aux premiers coups de coeur. Il faut dire que, grand romantique, j'avais tendance à tomber amoureux régulièrement de la fille qu'il ne fallait pas, d'où grands élans lamartiniens et, très vite, baudelairiens ou nervaliens.
J'ai reçu le don d'une plume relativement facile, la page blanche ne m'a jamais fait peur. Cela n'est pas forcément un atout pour la poésie. Au fur et à mesure de mes essais, qui se sont prolongés assez longtemps, j'ai rapidement ressenti une frustration que j'ai mis un moment à cerner. En réalité, j'avais bel et bien des "éclairs de poésie" dans ce que j'écrivais, mais je sentais bien qu'il étaient extrêmement brefs. Entre ces moments vrais, je me sentais obligé de composer péniblement une sauce assez indigeste et pour tout dire prosaïque. Le poème achevé retombait donc comme un soufflé refroidi. J'ai essayé diverses formes d'écriture: vers libres, octosyllabes rimées (j'avais même un dictionnaire de rimes) sans évidemment résoudre par un changement de forme ce qui était à l'évidence un problème de fond.
Ainsi, il y a vingt ans, j'écrivais spontanément:
nous nous sommes aimés en silence
conservant l'épée des paroles
pour les jours de colère
conservant l'épée des paroles
pour les jours de colère
J'ai tenté de bâtir autour de cet élan, lié à mon vécu et donc authentique, un poème beaucoup plus long ... qui est à jeter (ne comptez pas sur moi pour le reproduire ici). Je me croyais obligé d'en rajouter et bien sûr, ce que j'ajoutais à cet éclair poétique n'était que de la prose, une invention laborieuse qui jurait abominablement avec le reste. J'étais prisonnier du modèle poétique occidental, qui veut absolument "dire quelque chose", "transmettre un message" et est bâti en quatrains, tercets, sonnets d'une longueur minimum.
Frustré par le résultat, j'ai balancé mon dictionnaire de rimes et me suis résigné: la poésie n'était pas pour moi.
Jugez donc de mon soulagement lorsque j'ai découvert (ou plutôt re-découvert) le haïku dans l'excellent livre Les plus beaux contes zen, suivis de l'art des haïkus, de Henri Brunel!
Enfin, une poésie qui ne se sentait pas obligée de démontrer quoique ce soit, n'y d'en rajouter, de "tirer à la ligne" pour rallonger artificiellement (et donc détruire!) l'authenticité de l'élan poétique initial. Une démystification salutaire.
La concision du haïku m'émerveilla immédiatement, et je fis d'emblée mes premiers essais. Je me sentais revivre (poétiquement s'entend!) Un sentiment de libération.
La suite, vous l'avez sous les yeux avec Manteau d'étoiles. Ecrire des haïkus me procure une sensation de plénitude. Je vis plus pleinement l'instant présent, chacun d'eux étant observé d'un oeil plus ouvert, plus attentif à la beauté ou à l'humour susceptible de s'en dégager. En un mot, je vis plus qu'avant, je sur-vis.
A cet égard, il n'est pas étonnant que les enfants excellent dans le haïku. C'est aussi l'une des raisons du mépris dans lequel certains tiennent cette forme poétique. Pensez: un gosse en fait autant!
Précisément: le haïku demande que l'on garde un peu son âme d'enfant. L'absence de jugement devant ce que l'on voit, l'absence de désir de paraître ou d'en faire trop. L'innocence et l'authenticité. Les haïkus d'enfants ne trichent pas: ils transmettent la vérité de l'instant. Et c'est pourquoi ils sont étonnants de fraîcheur et font mouche à tous les coups.
Lorsque mon fils joue, il est tout entier dans son jeu. En réalité, il ne joue pas au sens légèrement méprisant où l'entendent généralement les adultes. Il s'approprie le monde, son monde, et le crée ou le recrée à chaque instant, et c'est très sérieux pour lui. Et "créer" se dit en grec poein, racine de poème, poésie, poète. Tiens?