14 février 2006
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14:45
Dans ce billet, j'exposais ma propre conception quant au respect (ou non) du nombre de syllabes dans le haïku (en principe dix-sept) et de leur répartition en trois lignes de 5, 7 et 5 syllabes.
Le débat a récemment repris sur haiku-fr, alimenté par un lien sur l'intéressant blog Haiku and happiness, de Gabi Grene. Cette spécialiste allemande du haïku traditionnel vit au Japon, et son point de vue est intéressant car elle parle japonais, ce qui lui permet d'avoir une vision très authentique et "de l'intérieur" du haïku. Elle explique ainsi dans cet article à quel point le rythme 5-7-5 est naturel en Japonais, et ne constitue selon elle pas un effort de versification analogue à notre alexandrin par exemple.
Pour les non-anglophones, je résume très brièvement : le Japonais est une langue syllabique. La combinaison de deux ou trois syllabes suffit à créer des mots. Ainsi YAMA signifie montagne ou KAWA rivière. Combinez deux mots et vous obtiendrez quelque chose comme AWA KAWA (rivière sauvage) ou YAMA KAZE (vent dans la montagne). Le mot NO peut ensuite servir à combiner deux mots pour en créer un troisième (mais mon Japonais très limité ne me permet pas de donner d'exemple, hormis MIZU NO OTO: le bruit de l'eau. Yoko, Kayo, Kyoko, c'est le moment d'intervenir dans les commentaires
)
Reliez le tout ensuite par un mot de césure (kireji en Japonais), tels que les fameux YA (exclamatif) ou KANA (expression d'une admiration respectueuse), et vous voici naturellement avec les 5 ou les 7 syllabes d'un vers de haïku :
YAMA KAZE YA (ah! le vent dans la montagne)
Simple non? Il résulterait de tout cela une démystification totale du 5-7-5, réduit à l'expression la plus naturelle et la plus simple de la langue japonaise. Le grand art des haïjins japonais consiste précisément à faire de cette expression naturelle des choses des oeuvres d'art.
De là à conclure qu'il ne faut surtout pas essayer de reproduire ce rythme et cette versification dans d'autres langues, il n'y a qu'un pas, allègrement franchi par Gabi Grene.
D'autres échanges sur haiku-fr, tout aussi instructifs, précisent que la longueur des syllabes japonaises est constante, ce qui n'est pas le cas dans les autres langues. Si l'on rajoute à cela les diverses licences poétiques que l'on trouve par exemple en Français, on se retrouve avec une situation en effet plus complexe qu'en Japonais. Il suffit de penser à la valeur du "e", en principe compté devant une consonne pour former un pied ou au contraire élidé par l'apostrophe pour obtenir le bon compte de pieds. Citons encore la diérèse, qui permet de dissocier une syllabe en deux au niveau de deux voyelles successives (exemple: prononcer li-on au lieu de lion) et qui permet de "récupérer" un pied.
Pour toutes ces raisons, le 5-7-5 ne serait alors qu'une chimère, trop rapidement et servilement copiée du Japonais et plaquée sur des langues qui ne l'acceptent qu'au prix de contorsions douloureuses.
Moi, je veux bien. Il n'en reste pas moins que l'usage des mots de césure permet au Japonais de rajouter facilement des syllabes pour "boucher les trous" et tirer une ligne jusqu'à cinq ou sept syllabes, ce qui équivaut à notre diérèse.
L'argument concernant la formation des mots en Japonais me paraît en revanche bien plus convaincant, même si je pense toujours que garder pour objectif la limite de dix-sept syllabes est un frein salutaire au verbiage, et que le rythme 5-7-5 procure un bel équilibre ternaire.
Toutefois, je sens bien que pour aller plus loin, je n'ai pas le choix : je vais devoir acquérir quelques notions de Japonais!
Kayo, Yoko, Kyoko, Neko avez-vous une bonne méthode à me conseiller (Assimil Bashô) ?
Le débat a récemment repris sur haiku-fr, alimenté par un lien sur l'intéressant blog Haiku and happiness, de Gabi Grene. Cette spécialiste allemande du haïku traditionnel vit au Japon, et son point de vue est intéressant car elle parle japonais, ce qui lui permet d'avoir une vision très authentique et "de l'intérieur" du haïku. Elle explique ainsi dans cet article à quel point le rythme 5-7-5 est naturel en Japonais, et ne constitue selon elle pas un effort de versification analogue à notre alexandrin par exemple.
Pour les non-anglophones, je résume très brièvement : le Japonais est une langue syllabique. La combinaison de deux ou trois syllabes suffit à créer des mots. Ainsi YAMA signifie montagne ou KAWA rivière. Combinez deux mots et vous obtiendrez quelque chose comme AWA KAWA (rivière sauvage) ou YAMA KAZE (vent dans la montagne). Le mot NO peut ensuite servir à combiner deux mots pour en créer un troisième (mais mon Japonais très limité ne me permet pas de donner d'exemple, hormis MIZU NO OTO: le bruit de l'eau. Yoko, Kayo, Kyoko, c'est le moment d'intervenir dans les commentaires

Reliez le tout ensuite par un mot de césure (kireji en Japonais), tels que les fameux YA (exclamatif) ou KANA (expression d'une admiration respectueuse), et vous voici naturellement avec les 5 ou les 7 syllabes d'un vers de haïku :
YAMA KAZE YA (ah! le vent dans la montagne)
Simple non? Il résulterait de tout cela une démystification totale du 5-7-5, réduit à l'expression la plus naturelle et la plus simple de la langue japonaise. Le grand art des haïjins japonais consiste précisément à faire de cette expression naturelle des choses des oeuvres d'art.
De là à conclure qu'il ne faut surtout pas essayer de reproduire ce rythme et cette versification dans d'autres langues, il n'y a qu'un pas, allègrement franchi par Gabi Grene.
D'autres échanges sur haiku-fr, tout aussi instructifs, précisent que la longueur des syllabes japonaises est constante, ce qui n'est pas le cas dans les autres langues. Si l'on rajoute à cela les diverses licences poétiques que l'on trouve par exemple en Français, on se retrouve avec une situation en effet plus complexe qu'en Japonais. Il suffit de penser à la valeur du "e", en principe compté devant une consonne pour former un pied ou au contraire élidé par l'apostrophe pour obtenir le bon compte de pieds. Citons encore la diérèse, qui permet de dissocier une syllabe en deux au niveau de deux voyelles successives (exemple: prononcer li-on au lieu de lion) et qui permet de "récupérer" un pied.
Pour toutes ces raisons, le 5-7-5 ne serait alors qu'une chimère, trop rapidement et servilement copiée du Japonais et plaquée sur des langues qui ne l'acceptent qu'au prix de contorsions douloureuses.
Moi, je veux bien. Il n'en reste pas moins que l'usage des mots de césure permet au Japonais de rajouter facilement des syllabes pour "boucher les trous" et tirer une ligne jusqu'à cinq ou sept syllabes, ce qui équivaut à notre diérèse.
L'argument concernant la formation des mots en Japonais me paraît en revanche bien plus convaincant, même si je pense toujours que garder pour objectif la limite de dix-sept syllabes est un frein salutaire au verbiage, et que le rythme 5-7-5 procure un bel équilibre ternaire.
Toutefois, je sens bien que pour aller plus loin, je n'ai pas le choix : je vais devoir acquérir quelques notions de Japonais!
Kayo, Yoko, Kyoko, Neko avez-vous une bonne méthode à me conseiller (Assimil Bashô) ?