Le second volet de
Pirates des Caraïbes vient de sortir. J'irai sans doute le voir, ayant passé un bon moment avec le premier. Chose amusante, il sort en France peu de temps après le concert des Rolling Stones au stade de France. Or, il est de notoriété publique que Johnny Depp s'est énormément inspiré du look du mythique guitariste des Stones, Keith Richards en personne, pour camper le personnage de Jack Sparrow. Bien loin des pirates rasés de près auxquels Hollywood nous avait habitués, Depp a imposé un flibustier haut en couleurs, aux yeux soulignés de khôl et sans doute moins "propre sur lui" mais bien plus proche de la réalité historique! Depp aurait même souhaité que Keith Richards fasse une apparition dans le film, mais le planning du guitariste ne l'a pas permis. Il est probable, vu son parcours assez tumultueux, que l'idée ne déplaise pas à Richards, puisqu'il devrait figurer dans le troisième volet de
Pirates des Caraïbes dans le rôle du père de Johnny Depp/Jack Sparrow!
En dépit de son apparence actuelle de vieux boucanier décati, rançon des excès multiples de sa vie de rocker de grand chemin, Keith Richards est un artiste, doublé d'un personnage intelligent. Il faut dire que comme la majorité des grands rockers anglais (John Lennon, Eric Clapton ...), Keith Richards est passé par une Art School. Bien que ce type d'école ait pu faire un peu figure de voie de garage ou de refuge pour les cancres dans les années cinquante/soixante, et que Keith ait sans doute fait plus d'efforts pour se rapprocher du radiateur que pour suivre les cours, l'ambiance artistique et la formation de ces établissements ont sans doute donné aux rockers locaux une ouverture d'esprit et une culture qui, pour moi, font la différence avec le rock américain, plus monolithique. C'est sans doute l'une des raisons qui ont fait de certains groupes anglais les plus grands et les plus mythiques. Mais je m'égare ...
Que vient faire Keith Richards sur un site pratiquement dédié au haïku? Eh bien la sortie du film et la prochaine participation de Keith au troisième volet m'ont rappelé une interview dans laquelle le guitariste exprime des idées qui me paraissent intéressantes.
De mémoire, Keith disait en substance que les meilleures chansons ne se composent pas. Elles "pré-existent" en quelque sorte, et les musiciens les plus sensibles (d'aucuns diraient les plus doués) ne font que les "attraper". Une idée très intéressante, qui rapellera au choix les muses classiques ou "le ciel antérieur où fleurit la beauté" de Mallarmé.
Plus encore, selon Keith, ces "cadeaux du ciel" sont animées d'une vie propre, d'une certaine autonomie. Je cite car je me souviens très précisément des termes :
A bien des égards, elles [les chansons] sont comme des enfants. Elles grandissent et vous disent "je veux ceci", puis "maintenant, je veux aller là".
J'ai souvent eu l'étrange sensation devant une oeuvre d'art que tout tombe si idéalement en place que la perfection en paraît surhumaine. Cela peut être la beauté de la mélodie, l'alliance de mots imparable où la composition et la palette d'un tableau.
A mon petit niveau de création, il m'est arrivé de même qu'un haïku paraisse se composer pratiquement tout seul. Je le retravaillais, essayais diverses variantes et améliorations avant de revenir finalement au premier jet. Une impression très curieuse et pourtant très gratifiante.
A d'autres occasions, je commençais un haïku avec une idée assez précise de ce que je voulais obtenir, mais le petit tercet "voulait" aller dans une autre direction, et je finissais par obtenir quelque chose de différent, que je conservais finalement avec la curieuse impression d'avoir perdu la direction des opérations au profit d'une évolution qui m'avait échappée.
Se pourrait-il que nos meilleures créations arrivent lorsque nous ne les cherchons pas, et que nous relâchons l'agitation du mental pour ouvrir totalement notre perception et devenir des "antennes" captant la beauté? Et que, poursuivant ce relâchement, nos créations évoluent par elles-même pour se réaliser pleinement en dehors de notre volonté? Un sacré coup pour l'égo de l'artiste créateur!
Ceci paraîtra sans doute un peu "mystique", mais je partage assez la position de Keith Richards. Les plus belles choses nous arrivent comme des cadeaux de la vie, pour peu qu'on soit disposé à les accepter avec simplicité.