25 novembre 2006
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Corinne Atlan pendant sa conférence Le Sublime au ras de l'Expérience (Cliquer sur l'image pour obtenir une photo plus grande) |
Corinne Atlan et Zéno Bianu sont les compilateurs de L'anthologie du poème court japonais chez Poésies/Gallimard, que je conseille régulièrement à qui s'intéressent au haïku.
Zéno Bianu étant retenu par des obligations familiales (qu'il reçoive ici toute ma sympathie en ces circonstances pénibles), Corinne Atlan a donc assuré seule une conférence à la fois brillante et détendue.
Dans l'ambiance feutrée et chaleureuse de l'espace Bertin-Poirée et devant une assistance attentive, on eut droit à un tour d'horizon complet du haïku depuis les origines jusqu'à nos jours.
Ce fut aussi l'occasion d'en apprendre plus sur certains parti-pris de traduction parfois étonnants dans l'anthologie de Corinne et Zénu. Ainsi le célibrissime haïku de Bashô :
vieille mare
une grenouille plonge
le bruit de l'eau
une grenouille plonge
le bruit de l'eau
se termine-t-il par
l'eau se brise
dans leur traduction. A priori, l'original japonais (mizu no oto) ne contient aucune brisure. C'est, littéralement, le bruit de l'eau ou le bruit de l'eau où la grenouille a plongé. C'est un peu sec en Français, d'où une autre tentative de traduction célèbre: un ploc dans l'eau.
Le parti-pris de Corinne et Zénu, pour de tels haïkus célèbres, a été de faire en sorte que leur traduction apporte quelque chose par rapport à celles qui existent tout en restant fidèle à l'esprit de l'original et en étant poétique en Français. C'est la raison de ce travail en équipe, Corinne Atlan étant de son propre aveu plus une traductrice de roman parfaitement japonisante, alors que Zéno Bianu, poète de langue française d'origine roumaine, mais ne parlant pas japonais, était le garant d'une traduction poétique.
Après environ deux heures de conférence-débat avec les nombreux haïjins présents (je reviendrai sur ces rencontres dans un autre billet), je suis ressorti avec mon exemplaire dédicacé de l'anthologie du poème court japonais et un enthousiasme renouvelé pour cette forme poétique si courte et paradoxalement si riche (en réalité, cette brièveté est la raison même de cette richesse).
Dans les rues du Paris de novembre, tous les sens en éveil, je sentais presque mon fidèle carnet d'esquisses palpiter contre mon coeur, prêt à accueillir d'autres moments, d'autres émotions dignes d'êtres fixées et transmises:
de retour chez moi
ivre de poésie
j'ai encore soif
ivre de poésie
j'ai encore soif
Quelques minutes plus tard, l'occasion s'est présentée au métro Châtelet sous la forme d'un groupe d'ados en goguette, visiblement éméchés ou chargés de substances qui font rire. Le contraste entre leur tenue, plutôt classieuse, et leur attitude débridée avait quelque chose de rafraîchissant sous les regards tantôt amusés tantôt dégoûtés (Ah! ma bonne dame la jeunesse actuelle! De mon temps ...) des voyageurs.
Il y avait surtout une belle et grande blonde totalement partie. Bien que très jeune (même pas vingt ans à vue de nez) il émanait d'elle une féminité et une sensualité bien plus mûres, sans doute accentuées par l'ivresse ...
totalement ivre
la belle blonde aux seins nus
sous son boléro noir
la belle blonde aux seins nus
sous son boléro noir
la belle blonde ivre
ses yeux clairs dans le vague
couleur gin Sapphire
ses yeux clairs dans le vague
couleur gin Sapphire
(Vous ne connaissez pas le gin Bombay Sapphire? Jetez donc un coup d'oeil ici, c'est le seul que je supporte ...)
Enfin, certains gestes partent de bonnes intentions avec un résultat final inattendu ...
pour cacher ses seins
remontant son boléro
- le sillon de ses fesses!
remontant son boléro
- le sillon de ses fesses!
Sous son nez (et ses yeux donc vagues ...) j'ai sorti mon carnet et noté ces moments. Amusant de penser qu'elle n'en saura probablement jamais rien.