11 novembre 2006
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08:00
Chaque année, la même question revient le onze novembre: comment arrive-t-on a trouver encore des poilus vivants pour les décorer lors des cérémonies officielles?
Dérisoire parade pour un ou plusieurs hommes courbés par les ans, si faibles qu'on se demande comment ils tiennent encore debout, rescapés d'un horreur dont on n'a même plus idée.
Il y a deux jours, France Info me fixait sur le nombre de ces rescapés: cinq. Il restait en tout et pour tout cinq poilus vivants, tous plus que centenaires. Ironie du sort ou lassitude d'être sollicité comme témoin "privilégié" chaque année, le plus âgé est décédé dans son sommeil la nuit dernière comme s'il n'avait pas voulu participer à la nième commémoration d'événements qu'il aurait sans doute souhaité oublier. Il avait cent onze ans.
L'un des quatre rescapés, âgé de cent neuf ans, pressé de définir ce que représentait pour lui la guerre, n'eut qu'un seul mot: l'abattoir.
On est bien loin d'Apollinaire s'exclamant dans Lettres à Madeleine "Ah, que la guerre est jolie!"
Non, la guerre n'est pas jolie. On a tous en tête ce qu'on nous apprenait en cours d'histoire: les charges aveugles à la baïonnette dans la boue et le sang, les tranchées où l'on est déjà enterré vivant, la terre si remuée par les obus à Verdun qu'elle en est à jamais stérile, l'horreur de la Somme, le gaz moutarde, les empires abattus et l'ordre du monde bouleversé. Surtout, une génération fauchée, persuadée au moins que son sacrifice ne serait pas inutile (la fameuse "der des der") dans un monde fou qui rebasculera pourtant dans l'horreur vingt ans plus tard. Et la leçon n'a toujours pas été apprise ...
Un homme a admirablement transmis dans ses haïkus l'horreur de la grande guerre: Julien Vocance. De son vrai nom Joseph Seguin, il fut l'un des premiers haïjins français. Il perdit un oeil au front et écrivit dans les tranchées Cent visions de guerre, un ouvrage injustement méconnu.
La forme brève du haïku restitue l'horreur sans fard, sans interprétation, crue, insoutenable et inacceptable.
La reproduction de ses oeuvres ne pouvant se faire sans le consentement de sa fille unique, je vous renvoie à cette page, Gabor Terebess ayant obtenu les autorisations nécessaires.
Apprêtez-vous à un choc. Pour moi, Cent visions de guerre est une oeuvre du calibre du Feu, de Barbusse (prix Goncourt 1916), ou des Croix de bois, de Dorgelès, qui manquera de peu le même prix en 1919, devancé de quatre voix par A l'ombre des jeunes filles en fleurs de Proust.
Le feu, Les croix de bois, Cent visions de guerre: à lire par tous les "faucons" présents et à venir. Mais je me fais sans doute de grandes illusions.
Dérisoire parade pour un ou plusieurs hommes courbés par les ans, si faibles qu'on se demande comment ils tiennent encore debout, rescapés d'un horreur dont on n'a même plus idée.
Il y a deux jours, France Info me fixait sur le nombre de ces rescapés: cinq. Il restait en tout et pour tout cinq poilus vivants, tous plus que centenaires. Ironie du sort ou lassitude d'être sollicité comme témoin "privilégié" chaque année, le plus âgé est décédé dans son sommeil la nuit dernière comme s'il n'avait pas voulu participer à la nième commémoration d'événements qu'il aurait sans doute souhaité oublier. Il avait cent onze ans.
les doigts d'une main -
encore trop pour les compter
les derniers poilus
encore trop pour les compter
les derniers poilus
il a rendu les armes
la veille du onze novembre
le plus vieux poilu
la veille du onze novembre
le plus vieux poilu
L'un des quatre rescapés, âgé de cent neuf ans, pressé de définir ce que représentait pour lui la guerre, n'eut qu'un seul mot: l'abattoir.
On est bien loin d'Apollinaire s'exclamant dans Lettres à Madeleine "Ah, que la guerre est jolie!"
Non, la guerre n'est pas jolie. On a tous en tête ce qu'on nous apprenait en cours d'histoire: les charges aveugles à la baïonnette dans la boue et le sang, les tranchées où l'on est déjà enterré vivant, la terre si remuée par les obus à Verdun qu'elle en est à jamais stérile, l'horreur de la Somme, le gaz moutarde, les empires abattus et l'ordre du monde bouleversé. Surtout, une génération fauchée, persuadée au moins que son sacrifice ne serait pas inutile (la fameuse "der des der") dans un monde fou qui rebasculera pourtant dans l'horreur vingt ans plus tard. Et la leçon n'a toujours pas été apprise ...
Un homme a admirablement transmis dans ses haïkus l'horreur de la grande guerre: Julien Vocance. De son vrai nom Joseph Seguin, il fut l'un des premiers haïjins français. Il perdit un oeil au front et écrivit dans les tranchées Cent visions de guerre, un ouvrage injustement méconnu.
La forme brève du haïku restitue l'horreur sans fard, sans interprétation, crue, insoutenable et inacceptable.
La reproduction de ses oeuvres ne pouvant se faire sans le consentement de sa fille unique, je vous renvoie à cette page, Gabor Terebess ayant obtenu les autorisations nécessaires.
Apprêtez-vous à un choc. Pour moi, Cent visions de guerre est une oeuvre du calibre du Feu, de Barbusse (prix Goncourt 1916), ou des Croix de bois, de Dorgelès, qui manquera de peu le même prix en 1919, devancé de quatre voix par A l'ombre des jeunes filles en fleurs de Proust.
Le feu, Les croix de bois, Cent visions de guerre: à lire par tous les "faucons" présents et à venir. Mais je me fais sans doute de grandes illusions.