6 novembre 2006
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Depuis quelques jours, certaines personnes me soumettent des poèmes en commentaires de billets de Manteau d'étoiles et me demandent s'il s'agit de haïkus.
Tout d'abord, je tiens à les remercier d'une confiance qui m'honore. Cela dit, au risque de les décevoir, je ne me sens pas le droit de jouer les arbitres et d'accepter ou exclure tel ou tel poème.
Je ne pense en effet pas avoir encore l'expérience nécessaire pour cela. Je suis flatté que vous le pensiez, mais je ne suis pas un Maître en la matière, et je ne suis pas qualifié pour fonder une école. Du reste, mes auteurs préférés (Issa, Ryôkan ...) n'ont créé aucune école.
En revanche, je me suis engagé à vous répondre individuellement par courriel et je le ferai. De même, je peux donner quelques conseils généraux, fruits de ma courte expérience et de mon parcours jusqu'à maintenant.
Tout d'abord, je vous engage à lire ce billet et celui-ci que j'avais écrit il y a quelque temps à l'intention de celles et ceux qui voudraient se lancer. Après vos premiers essais, vous pourrez enchaîner avec tous les billets de la catégorie l'écriture, qui retracent mes propres essais et tatonnements. Je tatonne toujours, du reste ...
Ensuite, je crois plus à une approche globale du haïku qu'à une approche analytique. En termes clairs, il faut avant tout ressentir le haïku, ce qui le rend si particulier, ce qui vous plait en lui et vous donne envie de vous y mettre. Ceci fait, il vous sera plus facile de faire vos premières tentatives et de voir si, à la lecture de vos poèmes, vous avez un ressenti semblable à celui que vous avez eu en lisant ceux des Maîtres. Cela peut paraître présomptueux, et il ne faut pas s'attendre à frémir tout de suite comme à la lecture d'un Bashô ou d'un Buson, mais je crois fermement aux vertus de l'imitation. Attention, j'ai bien dit imitation et non copie, encore moins plagiat. Et je parle ici d'imiter l'ambiance, la sensation, et non les mots en eux même. C'est l'esprit et non la lettre qui compte. A bien y réfléchir, l'enseignement asiatique ne procède pas autrement: le Maître montre la technique, l'élève tente de la reproduire. Cette méthode est bien connue des pratiquants d'Arts martiaux ayant étudié avec des Maîtres orientaux. Elle désarçonne souvent l'occidental habitué à la méthode discursive que nous connaissons: on analyse, on décortique, on parle avant de faire. Rien de cela en Asie: l'exemple par le geste. L'élève essaye, le Maître corrige le geste, rectifie une position de pied ou de main, intervient parfois brièvement pour donner une indication si l'erreur est trop grossière, mais c'est tout.
L'équivalent en matière de haïkus? Simple: il faut en lire, en relire et en lire encore. Notez ceux qui vous touchent le plus et essayez de comprendre en quoi et pourquoi ils vous touchent. Ce faisant, ne faites pas quatre pages d'analyse par haïku, ce n'est pas le but. Encore une fois, c'est la sensation et l'émotion qui compte. Puis, lancez-vous.
Vous aurez bien entendu besoin de quelques conseils techniques pour démarrer. Les deux premiers billets vous donneront déjà une courte bibliographie, à laquelle s'ajoute depuis peu l'indispensable Tout sur les haïkus de Dominique Chipot.
Ce faisant, ne vous laissez pas non plus déborder par le côté purement technique. Encore une fois, c'est l'esprit et non la lettre qui compte, et ce que votre poème fait résonner dans le vécu du lecteur. Retenez simplement trois choses:
- le haïku est bref (une vingtaine de syllabes, en principe en trois temps court-long-court)
- le haïku ne rime pas (sinon par accident, mais ne le recherchez jamais)
- le haïku met en principe deux images à contribution, qu'elles se renforcent mutuellement ou qu'elles contrastent. C'est le plus important, et c'est cette juxtaposition plus ou moins réussie qui réussit le tour de force de faire d'un texte aussi court un poème et non une simple sentence ou proverbe. Une seule image ne suffit pas, sauf si elle est forte ou insolite (ma corneille traversant dans le passage piétons hier). Plus de deux images, et c'est ce que nous appelons "la liste de courses". Une énumération ne suffit pas à faire un poème, sauf si l'on s'appelle Prévert, et encore faut-il alors qu'elle comprenne une longue-vue et un raton-laveur
Résumons donc:
- lire des haïkus: L'anthologie du poème court japonais chez Poésie Gallimard (Corinne Atlan et Zéno Bianu), accompagné de Fourmis sans ombres, le livre du haïku de Maurice Coyaud chez Phoebus/Libretto vous suffiront pour démarrer. Vous pouvez éventuellement y ajouter L'anthologie de la poésie japonaise classique de G. Renondeau chez Poésie/Gallimard afin d'avoir une vue d'ensemble des origines du haïku avec le tanka, la plus ancienne forme de poésie japonaise originale.
- des livres traitant du haïku: outre le Chipot, procurez-vous Sages ou fous les haïkus? de Henri Brunel chez Calmann-Lévy. J'aime ce livre car on sent que leur auteur aime passionnément les haïkus. C'est par lui que j'ai commencé à en écrire parce qu'il les présentait par leur aspect émotionnel et esthétique et qu'on y sent une réelle passion pour le genre. Cela suffira dans un premier temps.
- des sites Internet: en priorité celui de l'Association française de haïkus, le Temps libres de Serge Tomé et Haïkus sans frontières d'André Duhaime, références incontournables.
Enfin, et c'est le plus important, prenez du plaisir à écrire! Et n'attendez pas qu'on vous dise si c'est un haïku ou non. Lorsque vous en aurez écrit un, croyez-moi, vous le sentirez! C'est tout le bonheur que je vous souhaite.
Tout d'abord, je tiens à les remercier d'une confiance qui m'honore. Cela dit, au risque de les décevoir, je ne me sens pas le droit de jouer les arbitres et d'accepter ou exclure tel ou tel poème.
Je ne pense en effet pas avoir encore l'expérience nécessaire pour cela. Je suis flatté que vous le pensiez, mais je ne suis pas un Maître en la matière, et je ne suis pas qualifié pour fonder une école. Du reste, mes auteurs préférés (Issa, Ryôkan ...) n'ont créé aucune école.
En revanche, je me suis engagé à vous répondre individuellement par courriel et je le ferai. De même, je peux donner quelques conseils généraux, fruits de ma courte expérience et de mon parcours jusqu'à maintenant.
Tout d'abord, je vous engage à lire ce billet et celui-ci que j'avais écrit il y a quelque temps à l'intention de celles et ceux qui voudraient se lancer. Après vos premiers essais, vous pourrez enchaîner avec tous les billets de la catégorie l'écriture, qui retracent mes propres essais et tatonnements. Je tatonne toujours, du reste ...
Ensuite, je crois plus à une approche globale du haïku qu'à une approche analytique. En termes clairs, il faut avant tout ressentir le haïku, ce qui le rend si particulier, ce qui vous plait en lui et vous donne envie de vous y mettre. Ceci fait, il vous sera plus facile de faire vos premières tentatives et de voir si, à la lecture de vos poèmes, vous avez un ressenti semblable à celui que vous avez eu en lisant ceux des Maîtres. Cela peut paraître présomptueux, et il ne faut pas s'attendre à frémir tout de suite comme à la lecture d'un Bashô ou d'un Buson, mais je crois fermement aux vertus de l'imitation. Attention, j'ai bien dit imitation et non copie, encore moins plagiat. Et je parle ici d'imiter l'ambiance, la sensation, et non les mots en eux même. C'est l'esprit et non la lettre qui compte. A bien y réfléchir, l'enseignement asiatique ne procède pas autrement: le Maître montre la technique, l'élève tente de la reproduire. Cette méthode est bien connue des pratiquants d'Arts martiaux ayant étudié avec des Maîtres orientaux. Elle désarçonne souvent l'occidental habitué à la méthode discursive que nous connaissons: on analyse, on décortique, on parle avant de faire. Rien de cela en Asie: l'exemple par le geste. L'élève essaye, le Maître corrige le geste, rectifie une position de pied ou de main, intervient parfois brièvement pour donner une indication si l'erreur est trop grossière, mais c'est tout.
L'équivalent en matière de haïkus? Simple: il faut en lire, en relire et en lire encore. Notez ceux qui vous touchent le plus et essayez de comprendre en quoi et pourquoi ils vous touchent. Ce faisant, ne faites pas quatre pages d'analyse par haïku, ce n'est pas le but. Encore une fois, c'est la sensation et l'émotion qui compte. Puis, lancez-vous.
Vous aurez bien entendu besoin de quelques conseils techniques pour démarrer. Les deux premiers billets vous donneront déjà une courte bibliographie, à laquelle s'ajoute depuis peu l'indispensable Tout sur les haïkus de Dominique Chipot.
Ce faisant, ne vous laissez pas non plus déborder par le côté purement technique. Encore une fois, c'est l'esprit et non la lettre qui compte, et ce que votre poème fait résonner dans le vécu du lecteur. Retenez simplement trois choses:
- le haïku est bref (une vingtaine de syllabes, en principe en trois temps court-long-court)
- le haïku ne rime pas (sinon par accident, mais ne le recherchez jamais)
- le haïku met en principe deux images à contribution, qu'elles se renforcent mutuellement ou qu'elles contrastent. C'est le plus important, et c'est cette juxtaposition plus ou moins réussie qui réussit le tour de force de faire d'un texte aussi court un poème et non une simple sentence ou proverbe. Une seule image ne suffit pas, sauf si elle est forte ou insolite (ma corneille traversant dans le passage piétons hier). Plus de deux images, et c'est ce que nous appelons "la liste de courses". Une énumération ne suffit pas à faire un poème, sauf si l'on s'appelle Prévert, et encore faut-il alors qu'elle comprenne une longue-vue et un raton-laveur

Résumons donc:
- lire des haïkus: L'anthologie du poème court japonais chez Poésie Gallimard (Corinne Atlan et Zéno Bianu), accompagné de Fourmis sans ombres, le livre du haïku de Maurice Coyaud chez Phoebus/Libretto vous suffiront pour démarrer. Vous pouvez éventuellement y ajouter L'anthologie de la poésie japonaise classique de G. Renondeau chez Poésie/Gallimard afin d'avoir une vue d'ensemble des origines du haïku avec le tanka, la plus ancienne forme de poésie japonaise originale.
- des livres traitant du haïku: outre le Chipot, procurez-vous Sages ou fous les haïkus? de Henri Brunel chez Calmann-Lévy. J'aime ce livre car on sent que leur auteur aime passionnément les haïkus. C'est par lui que j'ai commencé à en écrire parce qu'il les présentait par leur aspect émotionnel et esthétique et qu'on y sent une réelle passion pour le genre. Cela suffira dans un premier temps.
- des sites Internet: en priorité celui de l'Association française de haïkus, le Temps libres de Serge Tomé et Haïkus sans frontières d'André Duhaime, références incontournables.
Enfin, et c'est le plus important, prenez du plaisir à écrire! Et n'attendez pas qu'on vous dise si c'est un haïku ou non. Lorsque vous en aurez écrit un, croyez-moi, vous le sentirez! C'est tout le bonheur que je vous souhaite.