16 juin 2006
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C'est bien naturel pour ce clown merveilleux, pour l'homme qui aimait les mots au point de les associer dans d'improbables assonances, de jouer sur les homonymes et les multiples sens avec une virtuosité incomparable qui donnait à la langue française, d'ordinaire si précise, ce flou poétique qu'on prête à la langue japonaise.
Plutôt que sur les mots, je voudrais aujourd'hui m'attarder un peu sur l'homme. Un remarquable portrait de Raymond Devos a été diffusé hier soir sur France 2 (Raymond Devos : la petite fabrique du rire, un reportage de Jean-Pierre Metivet & Thierry Breton).
Raymond Devos y apparaissait dans toute son humanité. Il est frappant de constater à quel point il restait humble, en dépit d'un talent, voire d'un génie unanimement reconnu. Une chose m'a particulièrement frappé: son regard. Pétillant, chaleureux, c'était celui d'un enfant. Un enfant de 83 ans qui pouvait encore avoir le trac avant d'entrer en scène, attendrissant jusque dans son enthousiasme pour un train électrique ou un Meccano. Humaniste, il considérait la responsabilité du comique, celle de faire rire (c'est son métier, disait-il), mais sans vulgarité ni sans blesser inutilement les autres (il se montrait peiné des facilités auxquelles avait pu se laisser aller Coluche, auquel il reconnaissait par ailleurs un immense talent).
Derrière les mots qui virevoltaient et jouaient comme des papillons, derrière la musique (il avait appris à jouer à peu près de tout, et prenait encore des cours de flûte traversière), c'est ce regard d'enfant éternellement émerveillé que je retiens. Celui d'un homme touchant dont la devise était Qui prête à rire n'est pas sûr d'être remboursé.