21 mars 2006
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21:18
Eh bien voilà, c'est fait. Ma première lecture de haïkus en public. Et ce fut très intéressant.
Arrivé vers 19h15, je suis accueilli par Neko, toujours aussi dynamique.
Peu à peu, le musée Adzak se remplit. Je n'ai jamais été capable d'évaluer une foule d'un coup d'oeil, mais je dirais qu'on était peut-être une trentaine.
Le musée Adzak est un endroit convivial, un atelier où peintures, sculpture et photographies se côtoient. Tout le monde se connaît plus ou moins, ce qui fait beaucoup pour la chaleur du lieu. Heureusement pour moi, car je suis tout de même légèrement tendu.
Les intervenants sont bientôt là : Gisa, poétesse brésilienne écrivant en Français, Patrick Palaquer (P.P.), Neko et moi. Amel n'a pu venir de Tunisie, ses haïkus seront lus par Neko. Une partie musicale sera assurée par Paul Francis, auteur-compositeur britannique, venu avec sa guitare.
Après un énergique coup de gong, Neko commence par expliquer brièvement ce qu'est le haïku avant de donner quelques exemples tirés des classiques japonais. Elle lit ensuite les haïkus d'Amel, puis me passe la parole.
Sans avoir franchement le trac, car l'ambiance est chaleureuse, je suis toujours ennuyé par le problème que j'évoquais hier : comment dire les haïkus? Au pied du mur, je décide d'être le plus naturel possible. Je lis une vingtaine de haïkus sur les cinquante que j'ai sélectionnés.
A vrai dire, je suis un peu crispé, à tel point que je ne perçoit pas les réactions de la salle, sauf sur le dernier. Apparemment, c'est positif.
Neko prend le relais. J'admire sa lecture, car ses haïkus usent énormément d'assonances et de jeux de mots, en rendant la lecture encore plus difficile. Ca passe tout seul, elle est à l'aise.
Suit Gisa qui nous lit quelques textes courts, malheureusement peu, j'aurais aimé en entendre plus car j'ai apprécié son écriture.
Place à la musique avec Paul, qui chante ses propres compositions en s'accompagnant à la guitare. C'est la grande surprise de la soirée. Pour commencer, Paul écrit ses chansons en Anglais, puis les traduit et les interprète en Français. Ensuite, son jeu de guitare est très personnel, à la fois rythmé et mélodique, avec une nette influence flamenca, mais aussi orientale et quelques accords colorés assez brésiliens. Les textes sont magnifiques, bien servis par une voix chaude auquel un léger accent britannique -pas désagréable- ajoute un intérêt indéniable.
Pendant la pause qui suit, je discute avec deux ou trois personnes, dont un réalisateur qui s'étonne que ma formation scientifique n'ait pas nuit à ma sensibilité littéraire. Je lui explique que ce sont pour moi deux choses bien séparées : les sciences pour la tête, les lettres pour le coeur. J'aime comprendre comment fonctionnent les choses, c'est mon côté scientifique. Mais j'aime aussi en avoir une connaissance plus intuitive, plus globale. Les poètes et les philosophes ont parfois eu des intuitions fulgurantes que la science ne confirmait que bien plus tard. Je suis persuadé que la Connaissance avec un grand C est trop vaste pour se laisser appréhender d'une manière unique. Tout comme il existe plusieurs chemins pour arriver au sommet de la montagne, il existe un lieu où se rencontrent les savants, les philosophes et les poètes, quel que soit la manière d'y arriver.
On reprend ensuite la lecture des haïkus avec Neko et ses chats turbulents. Je prends la suite avec le reste de ma sélection. Neko m'ayant fait remarquer à juste titre que j'avais lu un peu trop vite, je prends garde cette fois à adopter un rythme plus lent, en prêtant bien plus attention à l'auditoire. Et ça fonctionne tout de suite mieux. La relation s'établit, et j'y prend moi-même beaucoup plus de plaisir, même si les applaudissements me font toujours une impression étrange.
Neko enchaîne par la lecture des haïkus de P.P. qui préfère rythmer la lecture de coups de gong de fort bonne facture.
Paul reprend sa guitare pour d'autres chansons tout aussi fortes que les premières.
Hélas, il se fait tard et je ne peux rester jusqu'au bout. Je repars néanmoins ravi de l'expérience. Même si je n'ai toujours pas résolu le problème de la lecture du haïku, de la manière de dire ce qui est presque silence, je ne regrette pas de l'avoir tenté.
Cette nuit, j'ai curieusement rêvé de Maurice Bourg, mon prof-poète de Première, sans doute parce que cette soirée m'a rappelé les séances auxquelles il conviait des poètes contemporains le samedi après-midi.
Ce matin, j'ai relu ce poème inédit qu'il avait publié dans la revue Poésie 1 (le N° 41 de mai-août 1975) :
Il est midi
l'été
l'arbre le sait
la lumière
le rapproche
de face
et de profil
sans projet
Bien que ce ne soit pas formellement un haïku, quelle économie de mots, quel art dans la suggestion. Là aussi, l'essentiel se trouve dans les silences entre les mots.
Arrivé vers 19h15, je suis accueilli par Neko, toujours aussi dynamique.
Peu à peu, le musée Adzak se remplit. Je n'ai jamais été capable d'évaluer une foule d'un coup d'oeil, mais je dirais qu'on était peut-être une trentaine.
Le musée Adzak est un endroit convivial, un atelier où peintures, sculpture et photographies se côtoient. Tout le monde se connaît plus ou moins, ce qui fait beaucoup pour la chaleur du lieu. Heureusement pour moi, car je suis tout de même légèrement tendu.
Les intervenants sont bientôt là : Gisa, poétesse brésilienne écrivant en Français, Patrick Palaquer (P.P.), Neko et moi. Amel n'a pu venir de Tunisie, ses haïkus seront lus par Neko. Une partie musicale sera assurée par Paul Francis, auteur-compositeur britannique, venu avec sa guitare.
Après un énergique coup de gong, Neko commence par expliquer brièvement ce qu'est le haïku avant de donner quelques exemples tirés des classiques japonais. Elle lit ensuite les haïkus d'Amel, puis me passe la parole.
Sans avoir franchement le trac, car l'ambiance est chaleureuse, je suis toujours ennuyé par le problème que j'évoquais hier : comment dire les haïkus? Au pied du mur, je décide d'être le plus naturel possible. Je lis une vingtaine de haïkus sur les cinquante que j'ai sélectionnés.
A vrai dire, je suis un peu crispé, à tel point que je ne perçoit pas les réactions de la salle, sauf sur le dernier. Apparemment, c'est positif.
Neko prend le relais. J'admire sa lecture, car ses haïkus usent énormément d'assonances et de jeux de mots, en rendant la lecture encore plus difficile. Ca passe tout seul, elle est à l'aise.
Suit Gisa qui nous lit quelques textes courts, malheureusement peu, j'aurais aimé en entendre plus car j'ai apprécié son écriture.
Place à la musique avec Paul, qui chante ses propres compositions en s'accompagnant à la guitare. C'est la grande surprise de la soirée. Pour commencer, Paul écrit ses chansons en Anglais, puis les traduit et les interprète en Français. Ensuite, son jeu de guitare est très personnel, à la fois rythmé et mélodique, avec une nette influence flamenca, mais aussi orientale et quelques accords colorés assez brésiliens. Les textes sont magnifiques, bien servis par une voix chaude auquel un léger accent britannique -pas désagréable- ajoute un intérêt indéniable.
Pendant la pause qui suit, je discute avec deux ou trois personnes, dont un réalisateur qui s'étonne que ma formation scientifique n'ait pas nuit à ma sensibilité littéraire. Je lui explique que ce sont pour moi deux choses bien séparées : les sciences pour la tête, les lettres pour le coeur. J'aime comprendre comment fonctionnent les choses, c'est mon côté scientifique. Mais j'aime aussi en avoir une connaissance plus intuitive, plus globale. Les poètes et les philosophes ont parfois eu des intuitions fulgurantes que la science ne confirmait que bien plus tard. Je suis persuadé que la Connaissance avec un grand C est trop vaste pour se laisser appréhender d'une manière unique. Tout comme il existe plusieurs chemins pour arriver au sommet de la montagne, il existe un lieu où se rencontrent les savants, les philosophes et les poètes, quel que soit la manière d'y arriver.
On reprend ensuite la lecture des haïkus avec Neko et ses chats turbulents. Je prends la suite avec le reste de ma sélection. Neko m'ayant fait remarquer à juste titre que j'avais lu un peu trop vite, je prends garde cette fois à adopter un rythme plus lent, en prêtant bien plus attention à l'auditoire. Et ça fonctionne tout de suite mieux. La relation s'établit, et j'y prend moi-même beaucoup plus de plaisir, même si les applaudissements me font toujours une impression étrange.
Neko enchaîne par la lecture des haïkus de P.P. qui préfère rythmer la lecture de coups de gong de fort bonne facture.
Paul reprend sa guitare pour d'autres chansons tout aussi fortes que les premières.
Hélas, il se fait tard et je ne peux rester jusqu'au bout. Je repars néanmoins ravi de l'expérience. Même si je n'ai toujours pas résolu le problème de la lecture du haïku, de la manière de dire ce qui est presque silence, je ne regrette pas de l'avoir tenté.
Cette nuit, j'ai curieusement rêvé de Maurice Bourg, mon prof-poète de Première, sans doute parce que cette soirée m'a rappelé les séances auxquelles il conviait des poètes contemporains le samedi après-midi.
Ce matin, j'ai relu ce poème inédit qu'il avait publié dans la revue Poésie 1 (le N° 41 de mai-août 1975) :
Il est midi
l'été
l'arbre le sait
la lumière
le rapproche
de face
et de profil
sans projet
Bien que ce ne soit pas formellement un haïku, quelle économie de mots, quel art dans la suggestion. Là aussi, l'essentiel se trouve dans les silences entre les mots.