18 janvier 2006
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15:40
Aujourd'hui, je ne parlerai pas des Maîtres du haïku, mais de mes propres Maîtres.
Je dis souvent que j'ai eu beaucoup de professeurs, mais peu de Maîtres. Plus les études sont longues, plus la liste des enseignants s'allonge, mais ceux qui ont vraiment compté dans la vie d'un môme, d'un ado ou d'un jeune adulte restent dans un petit cercle très fermé. Suite à l'article de mon collègue et néanmoins pote Mathieu sur la question, j'ai eu envie de rendre hommage à ma petite "ligue des gentlemen extraordinaires".
Il y eut d'abord M.Michel en 6è. Il organisait sa classe comme un petite république, avec président, secrétaire, trésorier et des équipes sur le même modèle comme autant de petites associations ou entreprises. Il nous donna ainsi par la pratique plus d'instruction civique en un an que tous les livres qu'on nous faisait acheter sur la question et ... jamais ouvrir.
Ensuite, il y eut "Tonton" en 5è, ainsi surnommé à cause de de sa bonhomie et de sa barbe fournie. Il était aussi professeur de philo pour les "grands" de terminale, ce qui lui conférait un prestige certain (et nous flattait aussi dans un sens, on n'avait pas n'importe qui en Français, nous!) Jusqu'ici, on nous apprenait des "récitations", avec lui, nous avons découvert la Poésie. Premier cours : Harmonie du soir de Baudelaire.Nous n'étions pas habitué à tous ces mots flamboyants ni à ces images, qu'il nous expliqua: le sang qui se fige pour le coucher de soleil, la forme particulière de ce poème (un pantoum, chant malais avec des reprises). Nous étions bouche-bée. Le samedi suivant, tous les gamins savait le poème par coeur. Il enchaîna donc sur L'invitation au voyage, et nous parla de Marie Laurencin, d'Amsterdam et des amours compliquées de Charles Baudelaire. Le samedi suivant, nous savions tous ce poème, pourtant plus long, et que je devais retrouver bien plus tard puisque je suis tombé dessus à l'oral du Bac!
Alors, il nous lut Baudelaire: l'albatros, l'horloge, le voyage ... Il lisait bien, très bien, et la foudre nous tomba dessus. Trente gamins scotchés par la Poésie, n'en croyant pas leurs oreilles, stupéfaits qu'on puisse faire ÇA avec des mots. J'entends encore sa voix résonner: Remember, esto memor (mon gosier de métal parle toutes les langues). Il enchaîna ensuite sur Nerval (mon préféré), Verlaine, Rimbaud et tous les autres.
Pierre, si tu me lis, merci pour toutes les portes que tu as ouvertes.
Il y eut aussi M.G. en Seconde, habillé comme un parfait Anglais avec son long manteau et son parapluie de gentleman de la City. Féru de classiques, il s'emportait contre les Romantiques, qu'il trouvait affectés et opposait toujours le Un seul être vous manque et tout est dépeuplé de Lamartine, jugé lourd et réthorique, au Ariane ma soeur, de quelles amours blessées vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissées? de Jean Racine, dont les allitérations rendaient bien mieux le sentiment d'absence. Il avait ses préférés: La Fontaine, dont il nous fit découvrir le côté satyrique et politique. Jamais je ne lus les Fables de la même manière après les avoir étudiées avec lui. Il y avait aussi le Tartuffe de Molière, les Essais de Montaigne, les Pensées de Pascal, Les enfants terribles de Cocteau et enfin son obsession pour Bouvard et Pécuchet de Flaubert, dont il lisait de longs extraits de manière admirable, lui aussi.
Enfin, en Première, il y eut Maurice Bourg, un authentique poète. Créateur de la SAPE (Société des Amis de la Poésie de l'Essonne), c'était également un fabuleux lecteur, ou plutôt interprète de la Poésie. Il vivait véritablement le poème, et jamais je n'entendis le bateau ivre de Rimbaud comme il nous le lut un matin. Nous avions beau avoir grandi, nous étions redevenu les gosses auxquels Pierre avait révélé Baudelaire.
Il nous fit connaître d'autres poètes : Lautréamont (Maldoror ... Maldoror ...), Mallarmé ... Il organisait le samedi après-midi les feux de bois de la SAPE auxquels il convia Marcel Béalu, Roger Caillois et bien d'autres. Un authentique poète, qui ne vivait que par et pour la Poésie.
Que des profs de lettres, donc. Étonnant pour un scientifique? Peut-être, mais je vais vous confier une chose: je n'aime pas qu'on essaye de me faire rentrer dans une petite boîte. Je ne suis ni scientifique, ni littéraire, je suis ... éclectique. C'est un peu grâce à ces Maîtres, qui m'ont fait aimer tant d'auteurs divers. Qu'ils en soient remerciés ici.
Je dis souvent que j'ai eu beaucoup de professeurs, mais peu de Maîtres. Plus les études sont longues, plus la liste des enseignants s'allonge, mais ceux qui ont vraiment compté dans la vie d'un môme, d'un ado ou d'un jeune adulte restent dans un petit cercle très fermé. Suite à l'article de mon collègue et néanmoins pote Mathieu sur la question, j'ai eu envie de rendre hommage à ma petite "ligue des gentlemen extraordinaires".
Il y eut d'abord M.Michel en 6è. Il organisait sa classe comme un petite république, avec président, secrétaire, trésorier et des équipes sur le même modèle comme autant de petites associations ou entreprises. Il nous donna ainsi par la pratique plus d'instruction civique en un an que tous les livres qu'on nous faisait acheter sur la question et ... jamais ouvrir.
Ensuite, il y eut "Tonton" en 5è, ainsi surnommé à cause de de sa bonhomie et de sa barbe fournie. Il était aussi professeur de philo pour les "grands" de terminale, ce qui lui conférait un prestige certain (et nous flattait aussi dans un sens, on n'avait pas n'importe qui en Français, nous!) Jusqu'ici, on nous apprenait des "récitations", avec lui, nous avons découvert la Poésie. Premier cours : Harmonie du soir de Baudelaire.Nous n'étions pas habitué à tous ces mots flamboyants ni à ces images, qu'il nous expliqua: le sang qui se fige pour le coucher de soleil, la forme particulière de ce poème (un pantoum, chant malais avec des reprises). Nous étions bouche-bée. Le samedi suivant, tous les gamins savait le poème par coeur. Il enchaîna donc sur L'invitation au voyage, et nous parla de Marie Laurencin, d'Amsterdam et des amours compliquées de Charles Baudelaire. Le samedi suivant, nous savions tous ce poème, pourtant plus long, et que je devais retrouver bien plus tard puisque je suis tombé dessus à l'oral du Bac!
Alors, il nous lut Baudelaire: l'albatros, l'horloge, le voyage ... Il lisait bien, très bien, et la foudre nous tomba dessus. Trente gamins scotchés par la Poésie, n'en croyant pas leurs oreilles, stupéfaits qu'on puisse faire ÇA avec des mots. J'entends encore sa voix résonner: Remember, esto memor (mon gosier de métal parle toutes les langues). Il enchaîna ensuite sur Nerval (mon préféré), Verlaine, Rimbaud et tous les autres.
Pierre, si tu me lis, merci pour toutes les portes que tu as ouvertes.
Il y eut aussi M.G. en Seconde, habillé comme un parfait Anglais avec son long manteau et son parapluie de gentleman de la City. Féru de classiques, il s'emportait contre les Romantiques, qu'il trouvait affectés et opposait toujours le Un seul être vous manque et tout est dépeuplé de Lamartine, jugé lourd et réthorique, au Ariane ma soeur, de quelles amours blessées vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissées? de Jean Racine, dont les allitérations rendaient bien mieux le sentiment d'absence. Il avait ses préférés: La Fontaine, dont il nous fit découvrir le côté satyrique et politique. Jamais je ne lus les Fables de la même manière après les avoir étudiées avec lui. Il y avait aussi le Tartuffe de Molière, les Essais de Montaigne, les Pensées de Pascal, Les enfants terribles de Cocteau et enfin son obsession pour Bouvard et Pécuchet de Flaubert, dont il lisait de longs extraits de manière admirable, lui aussi.
Enfin, en Première, il y eut Maurice Bourg, un authentique poète. Créateur de la SAPE (Société des Amis de la Poésie de l'Essonne), c'était également un fabuleux lecteur, ou plutôt interprète de la Poésie. Il vivait véritablement le poème, et jamais je n'entendis le bateau ivre de Rimbaud comme il nous le lut un matin. Nous avions beau avoir grandi, nous étions redevenu les gosses auxquels Pierre avait révélé Baudelaire.
Il nous fit connaître d'autres poètes : Lautréamont (Maldoror ... Maldoror ...), Mallarmé ... Il organisait le samedi après-midi les feux de bois de la SAPE auxquels il convia Marcel Béalu, Roger Caillois et bien d'autres. Un authentique poète, qui ne vivait que par et pour la Poésie.
Que des profs de lettres, donc. Étonnant pour un scientifique? Peut-être, mais je vais vous confier une chose: je n'aime pas qu'on essaye de me faire rentrer dans une petite boîte. Je ne suis ni scientifique, ni littéraire, je suis ... éclectique. C'est un peu grâce à ces Maîtres, qui m'ont fait aimer tant d'auteurs divers. Qu'ils en soient remerciés ici.